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Les synthèses de Robert
1 juillet 2016

LE DÉBUT ET LA FIN

Wromgly

 

 

AVIS AU LECTEUR : le poème qui suit est un diptyque ; il est divisé en deux parties indissociables puisqu'il narre, en les comparant, les vies de deux petits garçons, l'un préhistorique, l'autre futuriste. Chaque partie a été rédigée en strophes égales en nombre et toutes les strophes correspondantes de chaque partie sont identiques dans leurs terminaisons, leur rythme et leur sonorité. Il est donc possible d'aborder de poème de deux manières : la première consitera à lire, à la suite, la vie du petit garçon préhistorique puis la vie du petit garçon futuriste ; la seconde manière consistera à lire, en parallèle, les deux premières strophes de chaque partie, puis les deux deuxièmes et ainsi de suite jusqu'aux deux dernières, pour bien se rendre compte du travail effectué sur la syntaxe et bien entendre le jeu des sonorités volontairement soigné : les deux lectures sont vivement conseillées.

  

 

                WROMGLY

 

 

A l’aube de la vie de l’homme sur la terre,

Aux prémices des jours qui la virent le porter,

Quand la grande beauté baignait tout l’univers,

Vivait un jeune enfant à l’âge non compté.

 

Le clan de ses semblables avait trouvé abri

Au plus noir d’une grotte au-dessus d’un ruisseau.

Et c’est là qu’était né notre petit Wromgly

Qui s’épanouissait entre le ciel et l’eau.

 

Il avait pour réveil les bruits de la nature,

Le sifflement du vent ou le cri des oiseaux.

Il se levait alors et respirait l’air pur,

Caressé par les rais d’un soleil déjà chaud.

 

Quand la faim adressait quelques pointes légères

Qui le faisaient descendre au pied de son vallon,

Il cueillait calmement quelques beaux fruits offerts

A son corps déjà fier d’être un petit garçon.

 

Sa quête de fruits mûrs l’emmenait au hasard

De quelque bois profonds, de quelque calme étang,

De jolis prés bien verts ou de petites mares,

De bosquets aux baies rouges qu’il dégustait souvent.

 

Sa nature animale lui faisait respecter

Tout le monde créé qui le lui rendait bien.

Il pouvait à son gré regarder, admirer,

Et profiter de tout en ne possédant rien.

 

Après que bien des lunes se fussent succédé,

Après que le garçon soit devenu très fort,

Un appétit nouveau l’a fait aller chercher

D’autres jolis fruits ronds sur de bien jolis corps.

 

Pour cet appétit là, il n’eut pas plus de peine

A assouvir sa faim qu’il n’en eut plus pour l’autre.

Lorsqu’il le souhaitait, il trouvait une reine

Qu’il pouvait honorer sans faire le bon apôtre.

 

Quelquefois des élans, tombant à point nommé,

Etaient, pour une reine, couronnés de succès.

Au grand jeu de la vie elle s’était tant donnée

Que la vie conservait un fruit de ses excès.

 

Au fil des lunaisons, son corps s’arrondissait

Car le fruit, en son sein, se sentait déjà mûr.

Puis un jour, sur des feuilles, la reine se couchait

Pour offrir à la vie le fruit de sa nature.

 

Après elle se levait, comme si de rien n’était

Et allait au ruisseau pour se laver d’eau pure.

Et puis elle embrassait son fruit qu’on lui tendait

En lui offrant un sein bien laiteux et bien dur.

 

Le bel et fort garçon était devenu grand

Et chasseur, et pêcheur et artisan aussi.

Il vivait entouré mais aussi très content

De pouvoir, chaque jour, trouver ce qui suffit.

 

La vie se poursuivait dans cet océan vert,

Rythmée par le soleil, la lune et les saisons.

Il fallait affronter les frimas de l’hiver

Et ne pas suffoquer sous les chaleurs de plomb.

 

Les plus forts résistaient, les autres périssaient,

Et chacun admettait cette loi naturelle.

La vie leur dispensait ses généreux bienfaits

Et ses mille dangers pouvant être mortels.

 

Toute bouche à nourrir devait servir un corps

Qui devait, à son tour, servir son propre clan.

Il fallait travailler et travailler encore

Pour pouvoir subsister sans être mis au ban.

 

Après beaucoup de lunes et beaucoup de saisons,

La force de notre homme n’était qu’un souvenir

Car il n’arrivait plus à lancer le harpon

Et traquer le bison le faisait trop souffrir.

 

Après que le soleil, un soir, eût décliné,

Il partit dans les bois pour ne plus revenir.

Et la nuit ténébreuse avait sur lui jeté

Son plus beau voile noir pour son dernier soupir.

 

Personne ne pleurait ou l’avait retenu ;

Son heure était venue, chacun l’avait compris.

Il était un beau jour sur la terre apparu ;

Il n’a fait que passer ; il s’appelait Wromgly…

 

Robert FAUCHER le 22 décembre 2004.

 

 

                ZINXY

 

 

A la fin de la vie de l’homme sur la terre,

A l’agonie des jours qui la virent le porter,

Quand le moindre recoin n’était plus qu’un désert,

Vivait un petit monstre en tout numéroté.

 

Ses semblables grouillaient dans d’immenses abris

Car l’extérieur n’était ni vivable ni beau.

Et c’est là qu’était né notre petit Zinxy

Dans ce monde sans air, dans ce monde sans eau.

 

Il avait pour réveil des sons que l’on sature,

Des hurlements de fous ou des cris de robots.

Il se levait alors pour boire une mixture

Terrassé par le feu d’un soleil bien trop chaud.

 

Quand il devait manger à heures régulières,

Car tout était compté, y compris les rations,

Il sortait d’une boîte quatre gros cachets verts

Qu’il devait avaler sans même une boisson.

 

Sa quête de cachets l’emmenait dans des barres

D’immeubles en verre très froid mais aussi déformant,

Dans des rues surpeuplées de monstres aux yeux hagards

Et surveillés de près par des engins volants.

 

Sa nature animale le faisait abhorrer

Ce monde décati qui n’était plus humain.

Il n’avait jamais su ni penser, ni aimer ;

Il possédait beaucoup sans profiter de rien.

 

Après que bien du noir au gris ait succédé,

Et bien que cette vie ressemblât à la mort,

Il n’eut guère le choix, car étant programmé,

De faire un descendant par un fort mauvais sort.

 

Il fallait, pour cela, rechercher une scène

Où étaient alignés, les uns contre les autres,

Des monstres féminins, reconnaissables à peine,

Et puis en choisir un que vous pouviez faire vôtre.

 

Il suffisait alors de juste se brancher

Sur un nouveau conduit fabriqué tout exprès.

Une fois suffisait, tout était calculé,

Et la brièveté n’engendrait pas l’excès.

 

Et mécaniquement, son être grossissait,

Alourdissant encore une vie déjà dure.

Et le moment venu, son conduit s’écartait

Pour laisser l’arrivant sortir par l’ouverture.

 

Et aussitôt après des robots arrivaient

Pour étudier l’enfant sous toutes les coutures

Et placer des tuyaux par lesquels il coulait

Un liquide au ton vert servant de nourriture.

 

Après avoir eu droit de faire son descendant,

Tout était programmé du reste de sa vie.

La puce dans sa tête dirigeait constamment

Le jeu de ses neurones et tuait ses envies.

 

La vie se poursuivait dans cet immense enfer

Rythmée par la chaleur, le gris, la pollution.

C’était de la folie dans cette fourmilière

Où des millions de gens survivaient sans raison.

 

On aurait dit des clones tant ils se ressemblaient

A ramper sous des bulles sans rien de naturel.

La vie ne leur offrait ni plaisir, ni bienfait

Et pas même un danger pour la rendre plus belle.

 

Aucun ne travaillait dans ce triste décor,

Ni femmes, ni anciens, ni hommes, ni enfants.

Tous étaient pris en charge et sans le moindre effort,

Les journées s’écoulaient, et les mois et les ans.

 

Le monde connaissait une seule saison

Qui rendait tout brûlant et qui faisait souffrir.

Notre homme vieillissait dans ce four à charbon ;

Il allait le quitter car il devait mourir.

 

Et machinalement, il s’était dirigé

Vers un tube très haut que l’on voyait sortir

Au-delà de la bulle où il avait passé

Tout le temps de sa vie sans un éclat de rire.

 

Il s’assit sur un siège éjectable et, tout nu,

Se trouva expulsé vers le grand infini,

Et aussitôt sorti de la bulle il mourut ;

Ce fut sa seule joie ; il s’appelait Zinxy…

 

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                                                   Où sommes-nous placés devant ce grand écart ?

                                                   Est-ce déjà trop tard ? Avons-nous transformé

                                                   La terre à nous confiée en une masse noire

                                                   Où nos cœurs, de cafard, vont se trouver rongés… ?

 

Robert FAUCHER, le 23 décembre 2004.

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