PAUVRETÉ
Le plus grand dénuement, la plus triste indigence,
L’impécuniosité, la privation de tout,
Suscitent compassion ou bien indifférence
Dans ce monde bizarre un peu flou, un peu fou…
Parfois l’âme est émue par le profond silence
Qui baigne tous ces êtres victimes de leur sort
Car on s’identifie, l’espace d’une offense,
A tous ces pauvres bougres courtisés par la mort…
Notre confort bourgeois tremble alors sur ses bases :
« Et si nous étions eux, aujourd’hui ou demain ? ».
Un regard bienveillant deviendrait une extase
Tout comme pourrait l’être une poignée de mains…
Il suffirait d’un rien pour changer l’ordinaire
Et procurer aux corps le peu qui est vital :
Un toit, de l’eau, du pain feront très bien l’affaire
Pour assurer la vie et pour vaincre le mal…
Pourtant, ces pauvres hères, tous ces déshérités,
Ne meurent que rarement du manque d’essentiel.
C’est l’instinct de survie qui doit les habiter
Et leur faire entrevoir un petit bout de ciel…
La pauvreté est donc, dans l’acception courante,
Ne pas être capable d’avoir et d’acheter ;
C’est donc l’imaginer, de façon désolante,
Sous l’angle matériel et bien trop limité…
Car il en est une autre, sournoise et non visible,
Encore plus destructrice que la première nommée,
Qui cause des ravages bien trop souvent terribles
A ceux qui la subissent et qui sont désarmés…
C’est bien évidemment la pauvreté du cœur
Qu’il ne faut surtout pas oublier ou réduire ;
Elle ne fait pas de bruit, ignore l’extérieur,
Ne se remarque pas mais cause le martyr…
Ses légions diaboliques s’appellent : solitude,
Indifférence et peine et absence d’amour,
De minuscules joies, de belles habitudes
Qui n’ont d’autres vertus qu’agrémenter les jours…
N’apprend-t-on pas parfois chez les riches, les nantis
Qui offrent à nos yeux l’image du bonheur,
Qu’un de ces dieux vivants a mis fin à sa vie
En couvrant sa famille, ses amis, de malheur… ?
Il avait pourtant « tout » pour être un homme heureux :
Mais pourquoi a-t-il donc décidé d’en finir ?
Cette question dérange souvent les gens de peu
Pour qui avoir fortune exonère du pire…
C’est bien qu’au-delà même des excès de « l’avoir »,
Il manquait autre chose de premier, d’impalpable,
Qui ne s’achète pas, que l’on ne peut pas voir,
Et dont l’absence cause des dégâts exécrables…
Il s’agit simplement d’une petite chose
Qui a tant de valeur qu’elle n’en a pas de prix,
Et qu’on trouve cachée dans le parfum des roses
Et sous le doux velours d’un amour attendri…
Robert FAUCHER, le 29 mai 2016.