A L'ENVERS
Je jetai mon journal sur la banquette vide
Dans ce train pour ailleurs, dans ce matin pluvieux.
Je sentai défiler des séquences livides
Au travers de la vitre où glissaient tant de lieux.
Je ne les voyais pas car tout allait trop vite
A part fixer un point, disparu aussitôt :
Au hasard : un troupeau, un pont ou bien un gîte,
Tout me semblait futile et tout sonnait si faux.
Et quelle heure était-il ? Est-ce bien important ?
D’autant que lorsqu’on se trouve assis à l’envers,
C’est le passé qu’on voit, l’autre face du temps,
Qui s’enfuit sous nos yeux à un rythme d’enfer.
Impression inquiétante, comme une photo de dos,
Empreinte de pourquoi et chargée de mystère,
Ou bien la progéria qui fait vieillir trop tôt
De si jeunes enfants au sortir de leurs mères.
Je changeai de côté, je m’assis à l’endroit
Pour casser le malaise, me redonner espoir
Que de voir arriver le futur jusqu’à moi,
Jusqu’à l’instant présent sans pouvoir l’entrevoir.
Je repris mon journal, je ne voyais plus rien,
Je lisais les potins et tous les faits divers
Et je ne pensais plus, ça allait aussi bien
Que d’attendre en silence le retour de l’hiver…
Robert FAUCHER, le 11 mars 2012.