LES QUATRE SAISONS
Au printemps, qu’il est doux de pouvoir observer
Tous ces frémissements de vie ressuscitée.
Pourtant tout semblait mort, mais il n’en était rien ;
Des lueurs ont surgi, tout à coup, un matin…
De même que l’enfant qui s’éveille en son lit
Auprès de sa maman qui l’admire sans un bruit,
La nature, lentement, a ouvert tous les yeux
De ses nombreux bourgeons pour contempler les cieux.
Pour tout homme la vie naît avant de finir,
Mais pour l’arbre elle renaît, chaque année, sans mourir.
C’est à se demander s’il vaut mieux, ici-bas,
Ne pas être un bon chêne plutôt qu’un bon papa !
Mais le choix, aux humains, n’a pas été donné.
La nature est très sage et a su décider
Qui, dans sa création, serait bois ou bien chair ;
Tout le monde obéit, sans un mot, pour lui plaire.
C’est alors que l’été, dans toute sa splendeur,
Rayonnant de couleurs, de beaux fruits et de fleurs,
Paré de majesté, se prend pour un grand roi ;
On dirait Louis XIV qui dit : « L’Etat, c’est Moi ! »
De même que l’enfant qui a beaucoup grandi
Et qui, à l’âge adulte, se croit encore petit,
La nature s’est dotée d’une force insolente
Qui la rend sûre d’elle, prétentieuse et puissante.
Dans la force de l’âge, que peut-il arriver
A l’homme suffisant qui croit tout diriger
Y compris son destin ! Pas besoin de tutelle
A celui qui se prend pour quelqu’un d’immortel !
C’est ainsi que durant de nombreuses années,
L’être humain ne sera, souvent, que fatuité,
Connaissant déjà tout, ne craignant jamais rien,
Ayant toujours raison, jouant parfois des poings.
Et puis survient l’automne et toute sa sagesse,
Troquant calme et douceur contre fougue et jeunesse,
Et ses chaudes couleurs dans les matins plus frais
Caressent bien nos cœurs tant avides de paix.
Et bien que cet enfant ait déjà tant vieilli,
Auquel la psyché montre un corps enlaidi,
Il émane de lui une grâce esthétique
Que le temps qui s’enfuit rend bien plus pathétique.
Au milieu des rondeurs, des crânes dégarnis,
Des questions sans réponses et des grandes envies,
L’enfant a trop mûri et son cœur toujours gai
Sollicite son corps qui peine et n’en peut mais.
Et soudain, un beau jour, l’être humain se rend compte
Que le plus important n’est pas ce qui se compte,
Se mesure ou se pèse, se touche ou bien se voit ;
Il a fallu du temps pour que s’ouvre la Voie… !
Arrive ainsi l’hiver et toute sa pâleur,
Ne laissant à la Vie pas la moindre couleur.
C’est alors que le blanc, dans son cortège froid,
Jette très lentement la mort sur l’ici-bas.
De même que l’enfant qui hélas, ne l’est plus,
Va bien mourir un jour, tout comme il est venu,
La nature se tait et ne peut que rêver
A tout ce qu’elle était et qui s’est envolé…
Dans cette léthargie, dans tout ce grand silence,
Pas la moindre lueur, pas la moindre espérance
Pour venir rappeler à l’homme ce qu’il a cru
Etre, et à jamais : un éphèbe invaincu !
Mais le temps est toujours l’éternel gagnant
Qui, un peu tous les jours, qui, ajoutant les ans,
A raison des plus beaux, à raison des plus forts ;
Il leur dit simplement : « Rendez-vous à la mort… ! »
L’Ecclésiaste a écrit : « Est omnia vanitas ! »
Et pour tous les humains, souvent, de guerre lasse,
Tout n’est que condition et : « Les vies valent si… »
Mais pour quatre saisons, lire : « Les vies valent di… ! »
Robert FAUCHER, le 2 octobre 2004.