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Les synthèses de Robert

Synthèse de Bons Mots Relatifs au Vin (I/)

 

moines buvant

 

 

QUELQUES PROPOS INTRODUCTIFS

 

 

Aucune substance consommable n'a la même complicité avec la PAROLE que le VIN car, non seulement il délie les langues en rendant les buveurs bavards ou poètes , selon leur talent, mais il est aussi le seul produit dont la consommation exige un commentaire, car savoir le BOIRE revient à savoir en PARLER.

Cet assemblage "de moût et de mots" fait du vin une boisson éminemment culturelle qui encourage l'élocution jusqu'à la griserie mais la brouille à partir de l'ivrognerie : au dialogue amical bien articulé fait alors place le monologue pathétique bredouillé.

Un piètre vin est triste et muet ; comme il n'a rien à dire, nous n'avons rien à dire non plus, alors qu'un vin enchanteur a beaucoup de choses sur le coeur qu'il suffit de savoir et vouloir écouter pour les dire : l'amateur est alors un interprète qui n'a qu'un petit rôle puisqu'il ne fait que traduire ce que le vin lui narre, c'est donc bien lui l'acteur principal. Bon nombre de gourmets se sentent bien souvent des âmes de "confesseurs de bouteilles" comme on disait au XVème siècle. Tout le "savoir" du connaisseur consiste à mettre en harmonie la bouche qui goûte et la bouche qui parle.

L'étymologie ne vient-elle pas éclairer notre lanterne en nous faisant découvrir que le mot "savoir"  vient du latin "sapere" qui signifie "avoir de la saveur, du goût, du parfum" ? Et l'on ne peut compter que sur l'argot pour nous rappeler les sources sensorielles de la connaissance dans l'expression riche de sens et d'histoire : "Etre au parfum". C'est peut-être pour cette raison que de nos jours on supprime l'enseignement du latin pour être en "harmonie" avec de nouvelles moeurs et habitudes de se nourrir : il est vrai que pour "déguster" les produits des fast foods, il n'est nul besoin d'avoir recours au "savoir", ni au "sapere", ni "à la saveur, au goût et au parfum".

Pourtant, les sensations du goût sont très limitées puisqu'elles ne sont qu'au nombre de quatre : le salé, le sucré, l'acide et l'amer ; mais la bouche est le siège de perceptions bien plus complexes, qu'elles soient tactiles : piquant, astringent, moelleux... ; thermiques : chaud, froid ; et surtout olfactives avec la perception des odeurs par voie rétro-nasales. Or, l'odorat est d'une sensibilité si fine qu'il peut percevoir des milliers d'odeurs, mais aucune langue ne dispose d'un inventaire lexical suffisant pour traduire toutes ces sensations.

On a oublié que certains mots, toujours utilisés actuellement, sont issus tout droit de l'oenologie latine, tels : acerbe, austère, sève... Et il ne faut surtout pas oublier qu'en plus de leur sens, les mots ont une saveur : c'est bien ce qui leur permet de rejoindre le vin car ils disposent d'une composante commune et fondamentale. C'est pourquoi les amateurs de vins sont très souvent des amateurs de la langue et réciproquement.

Le buveur et le dégustateur emploient souvent les mêmes mots mais, alors que le premier ne parle que de lui-même, de sa soif, de son état d'enivrement, le second ne parle que du vin. Parmi les termes les plus anciens légués par la médecine antique, ceux de chaud, froid, sec et humide fondaient une classification des substances aussi bien que des états physiologiques, et se sont retrouvés dans un grand nombre d'expressions populaires et l'argot, cité plus haut, apporte sa pierre à l'édifice desdites expressions assises sur le vin. Pour s'en convaincre, il suffira de compatir avec le buveur pour qui la "sécheresse est le martyre du gosier" et s'il en subit constamment les méfaits, c'est parce qu'il a été "baptisé avec une queue de morue" ou "vacciné au salpêtre", et c'est bien pour cela qu'il a sans cesse le "bec salé" ; il ne peut donc étancher sa soif qu'en buvant "cul- sec". Mais il le fait, tendrement comme un bébé puisqu'il "biberonne", "suce" et "tète". Les expressions "de la soif et du boire" en font l'élément humide par excellence et LA boisson première. Lorsqu'on dit de quelqu'un : "Il boit", ou : "Il est porté sur la boisson", à qui viendrait l'idée saugrenue de penser que l'on fait référence à l'eau ? A personne. Le soiffard n'aspire-t-il pas à se déshydrater, s'humecter, se mouiller, se rincer, s'arroser...d'un vin ainsi réduit à sa seule qualité de liquide ? Mais dans un temps ultérieur, on passe du chaud au froid puisque l'abus d'alcool va provoquer l'échauffement de l'ivresse et le soiffard va alors être allumé, cramé, aura chaud aux oreilles... il aura alors sa "cuite"  et pourra alors "cuver" en passant au froid puisqu'il sera devenu éteint,givré, gelé... L'ivrogne ne déguste pas, il boit à profusion jusqu'à finir "rond", "plein" ou "bourré". Il perd son humanité en finissant en objet : une "outre", un "sac à vin" ou un "tonneau" : il est alors "saoul jusqu'aux yeux avec les dents du fond qui baignent".

Il existe donc entre l'homme et la boisson alcoolique une relation ambiguë de violence et d'amour. Nombre d'expressions décrivent, en effet, la consommation du vin comme une guerre. Le soiffard commence par sortir "l'artillerie" que sont les verres et la bouteille, pour pouvoir boire des "coups", si possible rapprochés, donc en "rafales" et à force de boire des "canons" et de laisser des "cadavres" derrière lui, il finit "fusillé" , "cassé", "pété", "démoli"... par son "ennemi". Le dégustateur, lui, s'exprime en termes anthropomorphiques ; pour lui, le vin est "jeune, mûr, vieux ou sénile" ;il est doté d'un "corps", il a de la "jambe" ou de la "cuisse", il peut être "viril" ou "féminin" ; l'amateur "caresse" la bouteille avant de la "dépuceler" : on dit, en Touraine, qu'il "baise une fillette". Alors que l'ivrogne boit DU vin sans nom, le connaisseur savoure UN vin qui a un nom, allant jusqu'à une dénomination de coteau ou lieudit et même jusqu'au nom du producteur lequel, très souvent, fait toute la différence à condition de connaître "les bons". L'amateur apprécie le vin, l'ivrogne recherche l'ivresse.

Il est dommage que l'aspect mystique du vin ait été passé sous silence : n'oublions pas qu'il est cité dans l'Ancien Testament, avec Loth qui, enivré par ses deux filles restées seules avec lui dans la montagne, se fait abuser par elles pour obtenir une descendance qu'elles obtinrent, de même que Noé, ivre également après avoir planté dla vigne et bu du vin, qui se met nu devant ses propres fils. Selon un écrit apocryphe, Noé, après le Déluge, aurait reçu l'aide de Satan pour planter des ceps de vigne, lequel aurait demandé en sacrifice un mouton, un lion, un singe et un porc : pourquoi ? Satan donna l'explication : au premier verre de vin, l'homme deviendra doux et humble comme un mouton ; au second, il se sentira fort comme un lion et ne cessera de s'en vanter ; au troisième il imitera le singe, dansant tout en disant des sottises ; au quatrième, il se vautrera tel un cochon dans la fange et les immondices. Mais il occupe également une place de choix dans le Nouveau Testament puisque Jésus s'en sert à de nombreuses reprises. Tout d'abord pour son premier miracle, à Cana, en Galilée, où se déroulait un mariage auquel il avait été invité avec sa mère et ses disciples et durant lequel le vin se mit à manquer. Jésus appela les serviteurs et leur demanda de remplir d'eau six récipients pouvant contenir une centaine de litres chacun, puis de la faire goûter au maître de la cérémonie, lequel bu un vin qu'il considéra comme le meilleur de la fête, ce qui le surprit beaucoup car, en principe, on ne conservait jamais le meilleur pour la fin : le miracle était accompli. Jésus demande en outre que l'on prenne bien soin du vin et des outres appelées à le contenir, en ne plaçant jamais du vin nouveau dans des outres anciennes car ces dernières explosaraient. Et enfin, et surtout, lors de la Cène, le dernier repas pris par Jésus avec ses apôtres avant sa mort, où il se saisit d'une coupe remplie de vin et où il annnonce que ce vin est son sang, qu'il représente symboliquement le sang de l'alliance de Dieu avec les hommes et qu'il faudra perpétuer cette tradition en souvenir de lui, ce qui est fait, depuis lors, à chaque sacrifice de la Sainte Messe.

Le vocabulaire de la dégustation ne rend pas du tout compte de cette dimension religieuse puisqu'il ne sert qu'une culture du corps. Il n'empêche qu'au-delà de certaines divergences, il reste un réel plaisir des mots pour le connaisseur  qui veut parler du vin, alors que le vin mènera l'ivrogne jusqu'à un silence désolant, triste et parfois, mortel.

 

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EXPRESSIONS ET BONS MOTS RELATIFS AU VIN

 

 

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A

 

 

- ABONDANCE : l'abondance est un vin noyé d'eau, une eau rougie ; attesté au milieu du 18ème siècle, le mot s'est répandu au 19ème siècle dans le vocabulaire des collégiens à qui l'on servait cette boisson.

 

- ABREUVOIR : l'abreuvoir a désigné un verre à boire dès le 14ème siècle où l'on disait alors "abuvoir" ou "abuvroir" ; depuis le 18ème siècle, "Renouveler l'abreuvoir" c'est remettre une tournée ; au 17ème siècle, on appelait aussi abreuvoir un cabaret ;

 

- ABRI :  "En mettre un à l'abri de la pluie", c'est boire un verre, la meilleure manière d'éviter qu'il se mouille car, comme chacun le sait, l'eau est le pire ennemi du vin.

 

- ABSTEME : L'origine de ce mot remonte au 16ème siècle et était utilisé en droit canon pour caractériser une personne qui, par aversion, ne pouvait communier au vin et, de ce fait, ne pouvait se consacrer au sacerdoce ; par extension, ce mot s'applique à toute personne qui ne boit pas de vin : les musulmans, par exemple, sont abstèmes.

 

- ACCOLADE : Mot remontant au 18ème siècle ; c'est le geste de boire à la bouteille.

 

- ACESCENCE : Mot datant du 18ème siècle ; c'est la maladie qui transforme le vin en vinaigre ; un vin qui commence à aigrir est qualifié d'acescent ou piqué.

 

- ACHEVER : Mot datant du 17ème siècle ; c'est enivrer ou s'enivrer complètement.

 

- ACIDE : Avec le sucré, le salé et l'amer, l'acide est l'une des quatre saveurs élémentaires auxquelles se limitent les sensations du goût proprement dit, toutes les autres étant des sensations olfactives ou tactiles perçues dans la bouche ; le vin est composé de divers acides qui contribuent à l'harmonie de son goût et qui favorisent sa longévité : trop peu acide, le vin est qualifié de mou, trop acide, il est qualifié de vert ; pour les vins blancs, on essaie d'estimer l'équilibre entre l'acide et le moelleux, tandis que pour les vins rouges, on essaye d'estimer l'équilibre entre l'acide et le tanin ; c'est ainsi que les termes les plus usités, dans l'ordre croissant, pour exprimer le degré d'acidité d'un vin sont les suivants : mou, rond (quand l'acidité a la même intensité que le moelleux ou le tanin), frais, vif, nerveux, acidulé, vert, très vert.

 

- ÂCRE : Mot issu du latin "acer" qui signifie pointu, piquant ; il a donné naissance à deux adjectifs : aigre, pour qualifier un goût et âcre, pour qualifier une odeur, mais quand on emploie ce mot pour qualifier un goût, c'est qu'à l'aigreur s'ajoute l'amertume ou l'astringence.

 

- AILE : Avoir un coup dans l'aile ou du plomb dans l'aile signifie être ivre.

 

- ALCOOL : C'est un mot qui nous vient des Arabes, eux qui en principe n'en boivent pas, mais par l'intermédiaire des alchimistes puisque "al-kohl" est le nom de l'antimoine (minerai) pulvérisé servant encore pour le maquillage des yeux (le kohl). Le mot français alcool a d'abord désigné une poudre puis une essence obtenue par distillation ; il faut attendre le XVIIème siècle pour que le mot alcool ne s'applique plus qu'à l'esprit de vin rectifié.

 

- ALLONGER : Allonger un vin c'est le diluer avec de l'eau ; à ne pas confondre avec l'allonge d'un vin qui est sa persistance en bouche ; on dit d'un vin dont le goût se prolonge en arrière-bouche qu'il a de l'allonge.

 

- AMBRE : A partir du XVIIIème siècle, ambré désigne la couleur d'un vin blanc tirant sur le jaune doré, caractéristique des vins doux très vieux.

 

- AMBROISIE : Ce mot vient du grec ambrosia qui signifie immortel, divin, qui appartient aux dieux. contrairement à l'idée répandue, l'ambroisie n'est pas le breuvage des dieux mais leur nourriture, leur breuvage étant le nectar. La confusion des deux mots a fait donne le nom d'ambroisie à une liqueur obtenue par macération de coriandre, anis et clous de girofle dans un mélange d'eau-de-vie et de vin blanc.

 

- AME : Les poètes ont parlé de l'âme du vin; Beaudelaire, par exemple, dans son poème : "L'âme du vin" écrit : Un soir, l'âme du vin chantit dans les bouteilles ; et puis encore Théodore de Banville dans son poème : "Au fond du vin se cache une âme" s'est servi de son premier vers comme titre. Il est probable que cette expression, l'âme du vin, vienne de l'alchimie, qui utlise déjà, dans son jargon, le mot esprit et le mot corps. Arnaud de Villeneuve, alchimiste médiéval, nomme âme le ferment.

 

- AMOUR : D'un vin moelleux, velouté, on dit en Bourgogne qu'il a de l'amour. les poètes du XVème siècle, comme françois Villon, savouraient déjà un vin amoureux : l'amour de l'amateur est attribué au vin lui-même et bien lui en prend car cela doit être pour consoler le buveur de l'incompatibilité entre le vin et l'amour, "deux occupations qui s'entr'empêchent en vigeur" disait Montaigne.

 

- AMPLE : On dit d'un vin qu'il est ample lorsque ses qualités olfactives et gustatives sont intenses et nombreuses ; alors qu'il qualifie normalement une étendue, certains utilisent ce mot pour qualifier le volume du vin, en disant indifféremment qu'il est ample ou qu'il a du corps ou de la chair.

 

- AMUSANT : Un vin amusant flatte le palais ou pique la curiosité sans être un grand vin. Autrefois, une longue querelle a opposé les partisans du Bourgogne et les partisans du Champagne, les premiers considérant le Champagne comme une plaisante distraction. La Monnoye, dans un poème à la gloire du Bourgogne, tolère seulement que "Rheims vienne légèrement amuser le dessert". Un chroniqueur gastronomique du XIXème siècle écrit : "Le vin de Bourgogne seul représentait la boisson, le vin de Champagne l'amuseùent, le vin de Bordeux le régime". De plus, dans la région de Chablis, on appelle amuse-gueule un verre trop petit. En Flandre et en Artois, on nomme amusette celui qui court les débits de boissons.

 

- AMYGDALES : Se rincer, s'humecter, se nettoyer les amydgales signifie, selon une expression remontant au XIXème siècle, boire du vin ou de l'alcool. René Fallet, écrivain et scénariste du XXème siècle, proposait, dans son roman "Les Vieux de la Vieille" datant de 1958, un petit coup de rouge le matin parce que "ça décape les amygdales" et de son côté Alphonse Boudard, écrivain du XXème siècle également, proposait , dans son roman "Le Corbillard de Jules" ecrit en 1979, de boire du cognac pour "se réchauffer les amygdales".

 

- ANGES : La part des anges est la partie d'alcool qui s'évapore des fûts de Cognac pendant son vieillissement. Au XVIIème siècle, l'expression "Boire aux anges" signifiait ne plus savoir à qui boire.

 

- ANTIGEL : Marc, eau-de-vie, à boire pour se "réchauffer", en sachant pertinemment qu'en abusant, on risque de finir complètement "gelé", ce qui est paradoxal.

 

- ARRACHER : D'un alcool trop fort, on dit "qu'il arrache". Les soldats de 1918 qualifiaient "d'arrache-bide" une eau-de-vie qui était très raide.

 

- ARRANGER : En dégustation, un vin arrangé ou apprêté est un vin qui manque de naturel. A la fin du XIXème siècle, des expressions comme : s'arranger, s'arranger le nez ou être bien arrangé traduisaient, par antiphrase, le désordre de l'alcool.

 

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