LE VIOLONCELLE
Un air de Vivaldi s’est posé sur mon cœur,
Bien douce mélodie, bel instant de bonheur…
Je me suis, tour à tour, laissé vagabonder
Dans ces lieux de séjour qu’il m’avait inspirés….
Et tout a commencé dans un champ ondoyant
Au milieu de l’été, sous un soleil brûlant,
Par la grâce épurée d’un triste violoncelle
Qui me faisait penser à un battement d’ailes.
Il jouait en solo, les autres instruments
En discrets trémolos, très délicatement.
On eût dit un frelon en mission de combat
Porté par l’aquilon avant de lâcher bas.
Cet insecte intriguait dans ce lieu immobile :
Son vol égratignait le silence tranquille
Dans lequel, sagement, la nature épuisée
Subissait, sourdement, l’atmosphère accablée.
Mais c’était sans compter sur les fiers artilleurs,
Qui, sentant le danger, sortirent de leur torpeur :
Les hautbois, les bassons, solidaires dans l’effort,
Jouèrent à l’unisson pour servir de renfort.
Le poids de leur assaut s’avéra capital
Puisque, dans un sursaut vraiment peu amical,
L’insecte se braqua et reprit l’ascendant
Dans une toccata qui vantait l’instrument.
La flûte traversière alors se fit ouïr :
Elle était la sorcière qui devait le séduire ;
En guêpe sensuelle elle s’était travestie :
Sa belle ritournelle semblait porter ses fruits.
Le frelon imprudent suivit cette sirène :
Ce duo surprenant pénétra dans l’arène
Où tous les musiciens, spectateurs attentifs,
Se murent en guerriers et en chasseurs rétifs.
Et tous ces instruments s’unirent dans leur défense,
Jouant divinement cet air de l’indécence
Que le bon violoncelle avait dû adopter :
Mais c’est de l’hirondelle dont il avait rêvé…
Dominé par la masse, ballotté par les flots,
Il tomba dans la nasse, traité comme un salaud.
Le chœur des violons entama le final
Qui tua le frelon de ses notes létales…
Mais la vie de cette œuvre n’était pas achevée
Car dans une manœuvre savamment orchestrée,
On entendit percer une autre ritournelle
Jouée par le fantôme d’un autre violoncelle…
Robert FAUCHER, le 22 avril 2012.