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Les synthèses de Robert
4 février 2016

NORME ET DOGME

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L’exposé qui suit est une « anti-planche ». Un confrère avocat lyonnais, ami et franc-maçon, m’avait dit qu’un autre confrère avocat lyonnais, d’une renommée nationale, une « star » du barreau, avait fait, dans son atelier (groupe de francs-maçons réunis deux fois par mois), une « planche » (exposé fait en loge maçonnique par un « frère » devant tous les autres) ayant pour titre : Norme et Dogme, attestant que la franc-maçonnerie était sans norme et sans dogme, ce qui m’a fait bondir à l’écoute d’une telle contre-vérité. Je me suis donc amusé à rédiger la présente « anti-planche » pour attester que, comme tout groupement, la franc-maçonnerie n’échappe pas à la règle et que, pour exister, il lui faut forcément des normes et un dogme, qui existent d’ailleurs tous deux bel et bien même si l’enseignement maçonnique s’en défend. Les quelques développements qui suivent ont tenté de le prouver.

 

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Il peut paraître surprenant, à première vue, de vouloir apparier, dans une dualité qui semble étrange, deux concepts qui, de ce fait, forment une couple bien peu ordinaire. Mais pourtant, à y regarder de plus près, on peut dire que philosophiquement, l’un ne peut aller sans l’autre, que l’un se nourrit de l’autre, que l’un n’existe que par l’autre.

C’est bien là tout l’objet de la présente étude qui cherchera à trouver puis à classer, parmi les composantes de ces deux notions, celles de nature intrinsèque (LES ELEMENTS INDUCTIFS), celles de nature extrinsèque (LES ELEMENTS DEDUCTIFS), et enfin celles de nature relative (LES ELEMENTS COMPARATIFS).

 

 

PREMIERE PARTIE : LES ELEMENTS INDUCTIFS

 

L’analyse va tenter d’établir un inventaire forcément succinct des éléments qui composent chacune des notions de NORME (I) et de DOGME (II).

 

 

I/ LA NOTION DE NORME

 

Parmi les composantes de la notion de normes, cinq ont retenu plus particulièrement l’attention :

 

1°) la référence à une FREQUENCE

 La norme contient, en elle-même, la notion de fréquence puisque c’est précisément le fait de retrouver très souvent des critères qu’elle édicte a priori qui vont la faire surgir. A contrario, la rareté ne pourra jamais être l’élément constitutif d’une norme.

 

2°) la référence à une MOYENNE STATISTIQUE

La fréquence permet ensuite un classement des critères souhaités ou reconnus, ce qui conduit tout naturellement, en vertu des lois sur la statistique, à établir une moyenne qui, précisément, va pouvoir servir ultérieurement de référence indiscutable.

 

3°) la référence à un MODELE

La moyenne statistique ayant rempli son œuvre, il est alors possible et quasiment obligatoire d’établir un modèle qui servira d’étalon de référence pour une population quelconque, vers lequel il s’agira de tendre au maximum.

 

4°) la référence à des REGLES, des PRESCRIPTIONS, des PRINCIPES

Pour pouvoir ressembler au modèle ainsi déterminé, il conviendra de respecter des règles préétablies par ceux pour qui ledit modèle va être fort utile puisqu’il sert de référence ; des principes seront édictés dans des sociétés philosophiques ou pensantes et des prescriptions permettront de savoir si un individu entre dans les critères du modèle et peut donc être intégré dans un groupe.

 

5°) la référence à un ensemble de DONNEES

L’étalonnage des critères de référence est essentiel à l’établissement d’une norme et ces données font l’objet d’une analyse et d’une mise à jour en fonction de l’évolution du groupe, de ses orientations, de ses tendances, de ses ouvertures…

 

Une fois la notion de norme établie par l’étude de ses composantes, il va s’agir de créer un schéma didactique qui va s’appliquer à tous ceux qui entrent dans la norme pour constituer un groupe, afin que l’individu au sein dudit groupe en ait la vision commune globale et s’y conforme.

 

 

II/ LA NOTION DE DOGME

 

Une fois encore, cinq composantes de la notion de dogme vont se dégager :

 

1°) PROPOSITION THEORIQUE établie comme VERITE INDISCUTABLE par l'AUTORITE qui régit une CERTAINE COMMUNAUTE

La proposition théorique doit être entendue dans son acception générique car il s’agit, en réalité, de plusieurs propositions qui vont, toutes ensemble, constituer l’existence même du dogme. De ce fait, ces propositions théoriques sont transmises à chaque impétrant par les anciens, dotés de l’autorité indiscutable que leur confère leur fonction dans le groupe, lequel impétrant, en retour, doit les faire siennes.

 

2°) en religion, point de DOCTRINE contenu dans la REVELATION DIVINE, proposé dans et par l'ÉGLISE et auquel ses membres sont tenus d'ADHERER

On a souvent tendance, à tort, à assimiler la réalité d’un dogme à la pratique d’une religion. Certes, les religions sont dépositaires de dogmes de référence auxquels chaque adepte doit se plier sous peine d’exclusion, mais il en va aussi de même dans tout groupe, quel qu’il soit. L’adogmatisme prôné contient déjà, en soi, les rudiments d’un dogme, sans référence à une autorité supérieure transcendantale quelconque, bien évidemment (encore que…, croire aux vertus inaltérables de la nature humaine par exemple, n’est-ce pas, déjà, poser une règle qui a toutes les apparences d’une démarche dogmatique ?)

 

3°) affirmation, thèse, OPINION émise sur le ton de la CERTITUDE ABSOLUE et imposée comme une VERITE INDISCUTABLE

On retrouve ces vérités indiscutables dans tout groupement, par exemple : ordres professionnels qui s’imaginent que les règles proposées, puis imposées à leurs membres et qui composent la déontologie, constituent le sacro-saint schéma du cadre d’exercice d’une profession ; états qui imposent, dans le cadre de leurs constitutions, des règles immuables ou quasi ; sociétés philosophiques qui prônent la suprématie de l’homme sur tous les autres éléments de la création et la quasi sanctification de sa nature immanente portée aux nues, rejetant ainsi toute éventualité d’une transcendance, et demeurant lourdement ancrées dans des principes philosophiques à connotation purement humaine tels : la laïcité, la liberté, l’égalité, la fraternité…

 

4°) THESE admise dans une ECOLE PHILOSOPHIQUE particulière

Pour pouvoir exister, n’importe quel groupement se doit de poser et d’imposer des règles de fonctionnement à ses membres qui vont, forcément, se démarquer des autres individus qui ne font pas partie dudit groupement ; il ne peut pas en aller autrement. Mais alors, le groupe ne pouvant se définir que par les règles particulières édictées à son origine, ne se trouve-t-on pas face à une situation d’exclusion de tout autre qui ne voudrait ou ne pourrait pas respecter lesdites règles et, partant, d’un sectarisme inéluctable ? Tout groupement se doit donc d’être sectaire par nature, il en va de sa survie.

 

5°) Ensemble des points de DOCTRINE d’un SYSTEME DE PENSEE

Pour inculquer à ses membres la philosophie de son mode de fonctionnement et de sa finalité, tout groupe se doit de définir des règles particulières dont il s’agit, pour chaque entrant, de bien s’imprégner, et, pour chaque confirmé, de bien respecter, l’élévation dans la hiérarchie du groupe ne pouvant d’ailleurs s’opérer que selon ce principe. On peut citer, à titre d’exemples : l’armée, les partis politiques, les clubs de pensée, les sociétés philosophiques…

 

 

DEUXIEME PARTIE : LES ELEMENTS DEDUCTIFS

 

Une fois encore, l’analyse va tenter d’établir un inventaire forcément succinct des éléments extrinsèques nés de l'étude de chacun des concepts de NORME (I) et de DOGME (II).

 

 

I/ LE CONCEPT DE NORME

 

 

Parmi les éléments extrinsèques de la notion de norme, cinq principaux se sont détachés :

 

1°) exclusion des PARTICULARITES

La notion de groupe, avec le ou les modèles qui lui servent de référence, ne peut tolérer les marques de différenciation qui lui seraient proposées et qui pourraient brouiller l’image du schéma vers lequel chacun doit tendre, les censeurs, gardiens du temple, s’interposant alors pour gommer toute velléité pouvant aller dans ce sens et, là encore, il ne peut en être autrement car il y va de la survie du groupe.

 

2°) rejet de l’INDIVIDUALITE

Bien évidemment, les fortes personnalités indépendantes ne peuvent que très rarement intégrer un groupe et adhérer à l’ensemble des règles qui le régissent ; d’abord eux-mêmes ne le souhaitent souvent pas et, quand bien même, par erreur, auraient-ils intégré un groupe qu’ils ne pourraient y demeurer, soit par décision personnelle d’incompréhension, soit par exclusion des autres membres. Car la vie dans un groupe impose des concessions auxquelles chacun doit se plier. (comme a dit Gambetta à Mac Mahon à l’assemblée nationale, le 15 août 1877 : « Il faut se soumettre ou se démettre ».)

 

3°) conception pour une MAJORITE

Il est psychologiquement réconfortant et valorisant d’être membre reconnu d’un groupe. Réconfortant car le fait d’appartenir à une communauté sécurise ; chacun rencontre des personnes pensant de la même manière ou presque, se conditionnant même pour admettre ou gommer les quelques différences qui pourraient se faire jour ; valorisant par rapport au reste de la population car il est toujours gratifiant de se savoir membre d’un groupe auquel tout quidam n’appartient pas, mais aussi par rapport aux membres adhérents intégrés dans la hiérarchie instaurée et qui confère à chacun, selon son rang, une importance graduée et honorée reconnue par tous.

 

 4°) nécessaire à une ORGANISATION

Tout groupe se doit de disposer de règles d’admission, de fonctionnement et d’exclusion. Ces règles constituent la charpente osseuse de ce corps moral, les membres en étant la partie charnelle. Et pour que le tout puisse tenir debout, il faut bien que la charpente soutienne les membres, lesquels membres doivent à leur tour soutenir la charpente. (Mieux vaut une injustice qu’un désordre), et l’organisation peut alors fonctionner « normalement ».

 

5°) interdiction de l’INTERPRETATION

Pour que le groupe perdure, il est nécessaire que chacun de ses membres connaisse ses règles de fonctionnement, les respecte et s’engage à les faire respecter par tous. Il y a là un non-dit, une discipline autoproclamée qui pèse sur les adhérents. Et qu’aucun ne s’amuse à remettre en cause telle ou telle règle, il serait forcément et inéluctablement voué aux gémonies avec, rappel à « l’ordre » ( !), puis sanction disciplinaire si récidive ou persistance dans « l’erreur », puis, au final, exclusion.

 

 

II/ LE CONCEPT DE DOGME

 

 

Parmi les éléments extrinsèques de la notion de dogme, cinq principaux se sont détachés :

 

1°) interdiction de la DISCUSSION

Certes, dans tout groupement, une « discussion » existe bien, les membres ne sont pas muets ! Mais il ne s’agit pas de « discuter » sur les fondements mêmes de telle ou telle institution ou d’aller à contre courant des idées admises par le groupe ou constituant sa politique générale. Peut-on imaginer le membre d’une congrégation religieuse catholique proposer une ouverture sur l’admission de femmes à la prêtrise ou l’acceptation de la contraception ? De même, peut-on imaginer un membre d’une association à dominante athée proposer une ouverture d’initiation aux religions dans les établissements scolaires laïcs ? Certains sujets sont tabous, quoi qu’en pensent la majorité des adhérents qui, bien sûr, s’en défendent.

 

2°) nécessité de l’existence d’un GROUPE

On ne rencontre la notion de dogme que dans un groupe qui constitue d’ailleurs son terreau. En effet, un individu libre penseur n’a (normalement) pas besoin de règles dogmatiques, et un penseur libre ne peut l’être que seul ; il suffit d’appartenir à un quelconque groupe pour perdre sa liberté de penser, le respect des règles de fonctionnement et donc d’existence du groupement ne pouvant faire que les choses puissent être autrement, dans le cadre d’un sectarisme obligatoire par nature.

 

3°) nécessité de l’existence d’une AUTORITE DE REFERENCE

L’autorité de référence, c’est la hiérarchie, toujours pyramidale, chargée de faire respecter l’ensemble de la philosophie du groupe. Chacun doit déposer sur l’autel de cette autorité sa partie de reconnaissance qui rend ladite autorité existante et effective et à laquelle chacun, alors, se réfère.

 

4°) existence d’une portée SPIRITUELLE

Les règles dogmatiques permettent de mettre en exergue des principes immatériels tendant vers une cause ou ayant un but transcendantal. Ca peut être des aspirations extérieures à la nature purement humaine qui s’en réfèrent alors au principe générateur de la Création ; mais ça peut être aussi des aspirations tendant à « diviniser » l’homme et croire que sa propre nature est capable d’une amélioration progressive allant jusqu’à la perfection. Dans les deux cas, l’idée maîtresse est du domaine de la croyance.

 

5°) énonciation des VERITES

Chaque membre du groupe reçoit un enseignement ou des outils lui permettant d’avancer dans le chemin de la connaissance en vue d’enrichir son expérience, laquelle se nourrit de préceptes de référence considérés comme des vérités. La réalité de l’existence de Dieu pour un croyant ne se discute pas, tout comme ne se discute pas plus son inexistence pour un athée, chacun étant persuadé, dans cette loi des contraires, de détenir la vérité, débouchant d’ailleurs souvent sur un besoin de convaincre (pour se sécuriser d’avoir raison ?)

 

 

TROISIEME PARTIE : LES ELEMENTS COMPARATIFS

 

La démarche synthétique qui s’impose à ce stade de la réflexion permet de constater qu’il existe, entre les notions de norme et de dogme, des points de convergence et des points de divergence.

 

 

I/ POINTS COMMUNS ENTRE LES CONCEPTS DE NORME ET DE DOGME

 

 

Là aussi, cinq points de convergence se sont fait jour :

 

1°) les deux édictent des REGLES

Les notions de norme et de dogme ne peuvent être telles sans l’existence de repères qui en définissent les contours et constituent d’ailleurs une véritable ligne de démarcation qui leur fait prendre corps.

 

2°) les deux sont faits par une MINORITE pour une MAJORITE

A la base, et dans un cas comme dans l’autre, il a existé un fait générateur sous l’impulsion de quelques hommes selon certains critères choisis par eux, lequel se perpétue par des références identiques, même évolutives, dans le cadre d’une norme instaurée, ou par des nominations successives aux fonctions de responsabilité au sein de structures dogmatiques. Dans tous les cas, une minorité d’individus a choisi ce qui devait être pour la majorité, et une nouvelle minorité (mortalité aidant), s’engage sans cesse à ce que ce principe se prolonge dans le temps, perpétuant ainsi la tradition.

 

3°) les deux créent des CRITERES D’APPARTENANCE

Dans le cadre de la norme, les critères d’appartenance présentent un caractère d’utilité rationnelle qui doit permettre de tirer des conclusions et d’exploiter, à une fin désirée, les analyses des données. Dans le cadre du dogme, les critères d’appartenance présentent un caractère de différenciation, de démarcation par rapport au reste de la population, valorisant à coup sûr la personne membre d’un groupe qui a conscience d’en faire partie.

 

4°) les deux EXCLUENT en INTEGRANT

La norme a pour objet d’opérer un tri systématique selon des critères choisis, ne retenant que les éléments qui seront utiles à une conclusion à laquelle il s’agit d’arriver. Dans le cadre de l’attente d’une réponse à une question donnée, tous les critères ne pouvant aider à la réponse seront purement et simplement rejetés. La consistance de chaque concept va donc se nourrir de cette ambiguïté : intégrer en excluant.

 

5°) les deux SECURISENT

La nature ayant pour caractéristique première d’être multiple et individualisée, il est toujours psychologiquement recherché par l’homme une classification qui va permettre de faire entrer un concept ou un individu dans un standard de référence. L’homme cherche toujours à nommer, car nommer, c’est dominer et dominer c’est se tranquilliser. Aussi bien la norme que le dogme tendent, inconsciemment, vers une globalisation, globalisation que l’on appellera « modèle » dans la démarche normée, et que l’on appellera « groupe » dans la démarche dogmatique. Et le fait de pouvoir intégrer tel concept ou tel individu dans un schéma préétabli de manière normée ou dogmatisée va procurer à ceux dont c’est la quête et le rôle une certaine assurance née d’un certain soulagement.

 

 

II/ DIFFERENCES ENTRE LES CONCEPTS DE NORME ET DE DOGME

 

Là également, cinq points de divergence se sont fait jour :

 

 1°) la norme utilise des MOYENS, le dogme fait référence à des VALEURS

Bien que les démarches d’investigation fussent assez proches, la finalité de ces deux notions diffère. La norme a une vocation pragmatique ; elle doit permettre de tirer des conclusions qui vont ensuite servir ; la norme est un outil. Le dogme a une vocation spirituelle ; il doit permettre de mettre en exergue des principes qui vont ensuite être appliqués ; le dogme est une méthode de pensée.

 

2°) la norme organise l’IMMANENCE, le dogme fait référence à la TRANSCENDANCE

Les deux composantes de la réflexion humaine se retrouvent dans les deux notions que nous analysons et qui se croisent sans se rencontrer. La norme réglemente l’existant palpable ou à vocation pragmatique. C’est l’analyse de l’immanence sur un plan horizontal. Le dogme propose une ouverture sur la face spirituelle du monde créé. C’est la prédominance de la transcendance sur un plan vertical.

 

3°) la norme est CREEE, le dogme est RECU

La norme est un outil créé par l’homme pour une destination précise. Il peut ainsi faire naître autant de normes qu’il ressent de besoins différents. Il régente la matière comme bon lui semble à des fins souvent commerciales. Dans la norme, le rapport à l’argent est omniprésent. La norme est de création très récente. Le dogme, et sa vocation spirituelle, est mu par d’autres moteurs. Il a une antériorité bien plus importante. Il a pour vertu d’être immuable. On ne le discute pas. On s’y soumet ou on l’ignore. Il est transmis par les générations antérieures. Il a un long passé.

 

 4°) la norme régente le MATERIEL, le dogme régente l’IMMATERIEL

La vocation de la norme est de constituer des schémas en partant d’un existant purement matériel, afin de servir de référence à des institutions ou à des individus qui vont alors pouvoir en tirer un certain profit ou un certain avantage. Le dogme a une vocation universelle pour ses adeptes. Il n’attend aucun profit matériel de son application et ses sympathisants espèrent trouver en lui une voie d’existence, une raison d’être. Sa réalisation et son but sont purement immatériels.

 

5°) la norme a une portée PRATIQUE, le dogme à une portée PHILOSOPHIQUE

Il existe donc une différence de nature entre norme et dogme. Les conclusions tirées par l’analyse des critères constituant une norme serviront, en tout premier lieu, les intérêts des seuls analystes (statisticiens) qui, en second lieu, pourront en faire profiter d’autres (entreprises, Etat, administrations…). L’intérêt commun de ces strates d’utilisateurs de données est une satisfaction pratique dans un but d’amélioration de l’existant : marge commerciale, impact publicitaire, nouvelle cible… Le dogme, quant à lui, est totalement étranger à ces considérations ; seule lui importe la voie spirituelle qu’il trace. Son intérêt et sa vocation sont tout autres : ils ne sont que philosophiques Il ne fait rien gagner matériellement ; il fait espérer et, souvent, il convainc spirituellement.

 

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Que retirer de l’analyse confrontée de ces deux notions essentielles que sont la norme et le dogme ?

 

Sur un plan matériel, il est dans la nature humaine de vouloir classer, ordonnancer, nommer, régenter, ordonner… Pour ce faire, il lui a toujours été nécessaire, et plus encore de nos jours, de créer des modèles de références (les modes, les tendances, les « musts », les barèmes…) qui touchent aussi bien les choses que les personnes, ces dernières devant hélas, trop souvent, s’incliner devant les premières nommées afin de les « posséder » pour paraître, lesquelles avilissent en retour sans condition la nature humaine en « possédant » son être de façon diabolique, et le cercle (infernal !) est bouclé… Les « normes » permettent donc de remplir cette fonction ; l’homme ne doit plus exister en tant qu’individu, la seule tolérance est qu’il demeure à l’état de numéro (relire le roman prémonitoire d’Aldous Huxley écrit (pourtant) en 1932 et qui s’intitule : « Le meilleur des mondes ». L’homme ne doit plus être ; il ne doit plus que paraître. L’être ne peut pas, ne doit pas être « normé » ; le paraître ne peut pas exister autrement que par la « norme » (ne parle-t-on pas d’une personne ou d’une chose « normale » ? « Ca emmerde les gens quand on ne vit pas comme eux ! » disait déjà Georges Brassens).

Sur un plan philosophico-spirituel, il est dans la nature humaine de vouloir comprendre et de pouvoir admettre son état d’être fini et mortel. Chacun possède sa croyance, sa « solution » : il y a ceux qui se retranchent dans la transcendance, dans la certitude que l’homme n’est que le dépositaire d’un morceau d’infini dont il est aussi partie intégrante dans un cadre spacio-temporel ; il n’est que de passage sur terre avant de rejoindre l’Eternel ; et puis il y a ceux pour qui l’homme est sa propre finalité, son propre achèvement, perfectible jusqu’à la perfection atteignable pour eux, et qui rejettent toute idée de transcendance quelconque. Tout en étant (soi-disant) diamétralement opposés, les deux échafaudent néanmoins des théories qui sont composées des mêmes ingrédients et créent des « temples » dans lesquels, pour y entrer, il est nécessaire de « croire » en certaines idées de base (Dieu pour les uns, l’homme pour les autres). Les deux ont donc forcément recours à un ou des dogmes qui sont leur soubassement et sans lesquels les institutions construites ne pourraient perdurer.

 

Mais la seule vérité semble bien tout autre et bien ailleurs.

Un proverbe arabe dit : « Le vrai sage n’adhère à aucune croyance ».

Un proverbe chinois dit : « Tant que tu ne peux pardonner à autrui d'être différent de toi, tu es encore bien loin du chemin de la sagesse. »

Un proverbe turque dit : "Le sage ne dit pas ce qu'il sait, le sot ne sait pas ce qu'il dit."

L’Ecclésiaste, dans la Bible, (Ancien Testament) dit : « Vanitas, vanitatum, est omnia vanitas » (Vanité des vanités, tout est vanité ! »). C’est peut-être bien lui qui, hélas, a raison… !

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